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— Une cérémonie publique sera organisée lorsque tu seras présentée aux gens en tant que Zelandoni, mais les marques d’appartenance sont faites avec ton acceptation en la seule présence des membres de la Zelandonia. Quand tu progresses dans la hiérarchie, on ajoute des marques, cette fois en présence des titulaires et des acolytes, mais jamais en public, expliqua la Zelandoni Qui Était la Première. Es-tu prête ? demanda-t-elle avec toute la dignité et tout le pouvoir que lui conférait sa position.

Ayla déglutit, fronça les sourcils.

— Oui, répondit-elle, en espérant que c’était bien le cas.

La Première promena son regard sur l’assistance, s’assurant qu’elle avait l’attention de tous, avant de commencer :

— Cette femme a été pleinement formée pour remplir tous les devoirs de la Zelandonia, et c’est la Première parmi Ceux Qui Servent la Mère qui atteste ses connaissances.

Des signes de tête et des paroles d’approbation saluèrent ces premiers mots.

— Elle a été appelée, éprouvée. Y en a-t-il parmi nous qui mettent en doute sa vocation ?

Personne ne manifesta de dissension, ni n’émit le moindre doute.

— Acceptons-nous tous de recevoir cette femme à titre de Zelandoni au sein de la Zelandonia ?

— Nous acceptons ! fut la réponse unanime.

Ayla vit la Zelandoni de la Deuxième Caverne s’approcher et lui tendre un bol contenant un liquide sombre. Elle savait de quoi il s’agissait, une partie de son cerveau observait et ne se contentait pas de participer. L’écorce d’un sorbier, appelé « sorbier des oiseleurs », avait été brûlée dans un feu cérémoniel, puis passée au tamis en plein air pour obtenir une fine poudre grise. Les cendres du sorbier avaient des vertus astringentes, antiseptiques. Puis la femme qui était la Zelandoni d’une lointaine Caverne, celle qu’elle ne connaissait pas, apporta un liquide rougeâtre, bouillant : des baies de sorbier, séchées l’automne précédent, bouillies pour obtenir un produit concentré, lui aussi tamisé. Ayla n’ignorait pas que le jus de sorbier était acide et avait des propriétés curatives.

La Première prit un bol contenant du suif pur, mou et blanc, en partie figé, obtenu en plongeant de la graisse d’aurochs dans de l’eau bouillante, en ajouta un peu dans les cendres poudreuses avant d’y adjoindre du jus de sorbier rouge encore fumant. Elle mélangea le tout avec une petite spatule en bois sculpté, ajouta encore un peu de graisse et de liquide jusqu’à obtenir ce qu’elle souhaitait, puis fit face à la jeune femme et leva le couteau en silex affûté.

— La marque que tu vas recevoir ne pourra être effacée. Elle proclamera à tous que tu reconnais et acceptes le rôle de Zelandoni. Es-tu prête à accepter cette responsabilité ?

Ayla prit une profonde inspiration et regarda s’approcher la femme qui tenait le couteau, sachant ce qui allait suivre. Elle sentit la peur lui nouer le ventre, déglutit et ferma les yeux. Elle savait qu’elle allait avoir mal, mais ce n’était pas ce qu’elle redoutait. Une fois que ce serait fait, il ne serait plus question de revenir en arrière. C’était pour elle la dernière possibilité de changer d’avis.

Et soudain elle se revit cachée dans une grotte peu profonde, essayant de se dissimuler du mieux qu’elle pouvait dans la paroi de pierre contre laquelle elle était appuyée. Elle revit les griffes courbes et acérées de l’énorme patte d’un lion des cavernes s’approchant d’elle, et s’entendit pousser un cri quand quatre estafilades parallèles avaient entaillé sa cuisse gauche. Se tortillant pour y échapper, elle avait trouvé un espace infime sur le côté et ramené ses jambes sous elle, le plus loin possible des griffes.

Son souvenir d’avoir été choisie et marquée par son totem du Lion des Cavernes n’avait jamais été aussi vif, aussi intense. Instinctivement, elle tendit la main vers sa cuisse gauche pour sentir la texture différente de sa peau là où demeuraient les quatre cicatrices parallèles. Elles avaient été reconnues comme les marques de totem du Clan lorsqu’elle avait été acceptée dans le clan de Brun même si, traditionnellement, le totem du Lion des Cavernes choisissait un mâle, non une femelle.

Combien de marques avaient été gravées dans son corps depuis sa naissance ? Outre les quatre marques de l’esprit de son totem protecteur, Mog-ur lui avait pratiqué une petite incision à la base de la gorge pour en tirer un peu de sang lorsqu’elle était devenue la Femme Qui Chasse. On lui avait alors donné le talisman de chasse de son clan, un objet ovale en ivoire de mammouth, taché de rouge, qui prouvait que, en dépit du fait qu’elle fût une femme, elle était acceptée dans les rangs des chasseurs du Clan, même si elle ne pouvait se servir que d’une fronde.

Elle ne portait plus le talisman sur elle, pas plus que l’amulette avec ses autres signes, même si, dans l’instant, elle aurait souhaité les avoir avec elle. Tous deux étaient cachés derrière la figurine sculptée en forme de femme dans la niche qu’elle avait creusée dans la paroi calcaire de son abri de la Neuvième Caverne. Mais les cicatrices étaient, elles, bel et bien présentes.

Ayla toucha les petites marques, puis celle qu’elle avait au bras : c’était Talut qui l’avait pratiquée, avant d’entailler à l’aide du couteau encore sanglant une plaque en ivoire qui faisait partie d’un extraordinaire collier d’ambre, de canines et de griffes de lion des cavernes qu’il portait au cou, pour montrer qu’elle était acceptée dans le Camp du Lion et adoptée par les Mamutoï.

Jamais elle n’avait réclamé quoi que ce soit, elle avait toujours été choisie, et pour chaque acceptation elle portait une marque distinctive, une cicatrice qui plus jamais ne disparaîtrait. C’était le sacrifice qu’elle devait consentir. Et voilà qu’elle se trouvait une fois de plus choisie. Elle pouvait toujours décliner, mais si elle refusait maintenant, ce serait pour la vie. Elle se prit soudain à penser que les cicatrices lui rappelleraient toujours que le fait d’être choisie entraînait des conséquences, qu’avec l’acceptation venaient les responsabilités.

Elle regarda la doniate droit dans les yeux.

— J’accepte. Je serai Zelandoni, dit-elle, essayant de donner à sa voix un ton ferme et positif.

Puis elle ferma les yeux et sentit quelqu’un s’approcher, par-derrière, du tabouret sur lequel elle était assise. Des mains, douces mais fermes, la tirèrent en arrière afin qu’elle repose sur le corps souple d’une femme, puis lui tinrent la tête et la tournèrent de sorte que sa tempe gauche soit exposée. Elle perçut qu’on lui passait sur le front un tissu doux et humide imprégné d’un liquide dans lequel elle reconnut l’odeur de la racine d’iris, une solution qu’elle avait souvent utilisée pour nettoyer les plaies, et sentit une tension inquiète croître en elle.

— Oh ! Aïe ! cria-t-elle involontairement en sentant la coupure d’une lame aiguisée.

Elle s’obligea à rester impassible lorsqu’elle sentit une deuxième estafilade, suivie d’une troisième. On lui appliqua de nouveau la solution, puis l’on sécha les incisions, sur lesquelles on étala une troisième substance. Cette fois la douleur ressemblait à une brûlure, mais elle ne dura pas longtemps : quelque chose dans le baume astringent avait endormi la douleur.

— Tu peux ouvrir les yeux, Ayla, c’est terminé, dit la doniate.

Ayla leva les paupières, pour distinguer une image plutôt vague, qui ne lui rappelait rien. Il lui fallut un moment pour comprendre de quoi il s’agissait. Quelqu’un tenait devant elle une planche de bois noircie, huilée et lissée au sable, et une lampe, maintenue de façon à lui permettre de s’apercevoir dans la planche. Elle ne se servait que rarement de cette sorte d’objet – elle n’en avait pas chez elle – et était toujours surprise de voir son propre visage. Puis ses yeux furent attirés par les marques sur son front.

Juste devant sa tempe gauche, une courte ligne horizontale était marquée à chacune de ses extrémités de deux lignes verticales de même longueur, comme un carré sans lisière supérieure, ou une boîte dépourvue de couvercle. Les trois lignes étaient noires, et un peu de sang perlait encore sur les bords. Ayla n’était absolument pas certaine d’apprécier de voir son visage balafré de cette façon. Mais elle ne pouvait rien y changer, désormais. C’était fait. Son visage porterait ces marques noires jusqu’à la fin de ses jours.

Elle leva la main pour les effleurer, mais la Première l’arrêta.

— Il vaudrait mieux que tu n’y touches pas pour le moment, dit-elle. Elles ne saignent presque plus mais sont encore toutes fraîches.

Ayla balaya l’assistance du regard : tous les membres de la Zelandonia présentaient diverses marques sur le front, certaines plus élaborées que d’autres, pour la plupart carrées mais d’autres de formes différentes, beaucoup passées à la couleur. Les marques de la Première étaient les plus complexes de toutes. Ayla savait qu’elles désignaient le rang, la position, l’affiliation des titulaires de la Zelandonia. Elle remarqua toutefois que les lignes noires devenaient des tatouages bleus après avoir cicatrisé.

Elle fut soulagée quand on éloigna la planche : elle n’aimait pas se regarder et se sentait mal à l’aise à l’idée que l’image étrange et floue qu’elle apercevait était celle de son visage. Elle préférait se voir reflétée dans l’expression des autres : le bonheur de sa fille lorsqu’elle voyait sa mère, le plaisir qu’elle devinait dans le comportement envers elle des gens qu’elle appréciait, comme Marthona, Proleva, Joharran et Dalanar. Et l’amour dans les yeux de Jondalar lorsqu’il voyait… Mais non, ça n’était plus vrai… La dernière fois qu’il l’avait vue, il avait été horrifié : son visage avait exprimé la surprise et le désarroi, non plus l’amour.

Ayla ferma les yeux en sentant les larmes monter, s’efforça de contrôler ses sentiments de douleur, de déception et de vide. Quand elle les rouvrit, elle constata que tous les membres de la Zelandonia étaient debout devant elle, y compris les deux nouveaux, un homme et une femme, qui avaient monté la garde à l’extérieur. Tous arboraient de chaleureux sourires traduisant leur satisfaction, leur joie de l’accueillir. Celle Qui Était la Première prit la parole :

— Tu es venue de loin, tu as appartenu à de nombreuses peuplades, mais tes pieds t’ont toujours menée sur le sentier que la Grande Terre Mère a choisi pour toi. Ton sort a voulu que tu perdes ton peuple à un âge tendre, puis que tu sois recueillie par une guérisseuse et un homme qui a traversé le monde spirituel de cet autre peuple que tu appelles le Clan. Puis tu as été adoptée par le Mamut des Mamutoï dans le Foyer du Mammouth qui honore la Mère, ta voie a été guidée par Celle Qui A Donné Naissance à tous. Ta destinée a toujours été de La servir.

« Ayla de la Neuvième Caverne des Zelandonii, unie à Jondalar de la Neuvième Caverne, fils de Marthona, ancienne Femme Qui Commande de la Neuvième Caverne des Zelandonii ; Ayla, mère de Jonayla, de la Neuvième Caverne des Zelandonii, Protégée de Doni, née au foyer de Jondalar ; Ayla des Mamutoï, membre du Camp du Lion du peuple qui chasse les mammouths à l’est, fille du Foyer du Mammouth ; Ayla, Choisie par l’Esprit du Lion des Cavernes et Protégée de l’Ours des Cavernes du Clan, tes noms et tes liens sont multiples. Tu n’en as plus besoin désormais. Ton nouveau nom les englobe en totalité, et plus encore. Ton nom ne fait plus qu’un avec tout ce qu’Elle a créé. Ton nom est Zelandoni !

— Ton nom ne fait plus qu’un avec tout ce qu’Elle a créé ! Bienvenue à toi, Zelandoni ! clama l’assemblée à l’unisson.

— Viens, joins-toi à nous pour chanter le Chant de la Mère, Zelandoni de la Neuvième Caverne, lança Celle Qui Était la Première.

Alors, le groupe tout entier entonna l’hymne à l’unisson :

 

Des ténèbres, du Chaos du temps,

Le tourbillon enfanta la Mère suprême…

 

Lorsqu’ils arrivèrent à la strophe qui avait toujours été la dernière, seule Celle Qui Était la Première poursuivit de sa belle voix grave :

 

Satisfaite des deux êtres qu’Elle avait créés,

La Mère leur apprit l’amour et l’affection.

Elle insuffla en eux le désir de s’unir,

Le Don de leurs Plaisirs vint de la Mère.

Avant qu’Elle eût fini, Ses enfants L’aimaient aussi.

 

Le groupe tout entier chanta le dernier vers, puis tous se tournèrent vers Ayla, des lueurs d’impatience dans le regard. La jeune femme mit un certain temps à comprendre ce qu’on attendait d’elle puis, d’une voix forte empreinte d’un accent exotique, elle récita, seule :

 

Son dernier Don, la Connaissance que l’homme a son rôle à jouer.

Son besoin doit être satisfait avant qu’une nouvelle vie puisse commencer.

Quand le couple s’apparie, la Mère est honorée

Car la femme conçoit quand les Plaisirs sont partagés.

Les Enfants de la Terre étaient heureux, la Mère pouvait se reposer un peu.

 

Le groupe, debout, récita avec elle les dernières paroles avant de garder un moment le silence. Puis tout le monde se détendit, un grand récipient contenant de la tisane fut apporté et chacun sortit sa tasse de sa poche ou de son sac.

— Une question se pose maintenant, lança la Première, assise avec décontraction sur son tabouret. Comment allons-nous mettre au courant le reste des Zelandonii de ce dernier Don ?

Cette question souleva un véritable tumulte :

— Il faut leur dire !

— On ne peut pas leur dire !

— Ce serait trop pour eux !

— Ça risquerait de tout bouleverser !

La Première attendit que le brouhaha s’apaise, puis, fusillant du regard l’ensemble de la Zelandonia, s’exclama :

— Croyez-vous vraiment que Doni nous a donné connaissance de ce Don pour que vous en priviez Ses enfants ? Pensez-vous qu’Ayla a enduré toutes ces souffrances, ou qu’elle s’est vu demander de sacrifier son bébé uniquement pour que la Zelandonia ait un sujet de débat ? La Zelandonia regroupe Ceux Qui Servent la Mère. Ce n’est pas à nous de décider si Ses enfants ont ou non le droit de savoir. Notre rôle est de décider de la façon dont nous allons le leur annoncer.

Un silence contrit s’instaura, que finit par rompre la Zelandoni de la Quatorzième :

— L’organisation de la cérémonie adéquate va prendre un certain temps. Nous devrions peut-être attendre l’année prochaine. La saison est presque terminée. Chacun va bientôt rentrer chez soi.

— Oui, approuva aussitôt la Zelandoni de la Troisième. La meilleure solution serait peut-être de laisser chaque Zelandoni transmettre l’information à sa propre Caverne, à sa manière, après qu’il aura pris le temps d’y réfléchir.

— La cérémonie aura lieu à trois jours d’ici, et c’est Ayla qui annoncera la nouvelle, décréta la Première avec une fermeté qui n’admettait pas de réplique. C’est Ayla qui a reçu le Don. C’est à elle d’en informer les autres, c’est son devoir. Elle a été appelée cette saison, et envoyée à la Réunion d’Été pour cette raison.

La Première fixa les autres doniates de son regard noir, puis son expression se radoucit, et son ton se fit presque cajoleur :

— Ne serait-il pas préférable d’en finir avec cela au plus tôt ? La saison touche à son terme, il ne serait pas bon que trop de difficultés se fassent jour avant notre départ, et vous pouvez être certains que nous en aurons notre part. En procédant ainsi, nous aurons tout l’hiver pour amener chacune de nos Cavernes à se faire à cette idée. D’ici à la saison prochaine, il n’y aura plus de raison pour que cela pose un problème.

La Première aurait bien aimé être persuadée de ce qu’elle venait de dire. À la différence du reste de la Zelandonia, elle pensait depuis bien des années que l’homme jouait un rôle dans la création d’une vie nouvelle, et ce avant même sa première conversation avec Ayla. Le fait que celle-ci soit arrivée à cette même conclusion était d’ailleurs l’une des raisons qui avaient amené la doniate à souhaiter voir Ayla devenir Zelandoni. Ses observations étaient empreintes d’une grande perspicacité et elle n’était pas entravée par les croyances dont les Zelandonii étaient nourris avec le lait de leur mère.

C’était ce qui avait poussé la Première à prendre cette décision dès qu’elle avait entendu Ayla lui raconter ce qu’elle avait vécu dans la grotte : l’idée devait être rendue publique sans attendre, quand tout le monde était encore rassemblé. Elle aurait volontiers fixé la cérémonie au lendemain si elle avait jugé possible de l’organiser en si peu de temps.

Comme elle le faisait souvent sous prétexte de se reposer ou de méditer, en donnant l’impression de ne pas se soucier de ce qui l’entourait, la Première patienta un moment, regardant les membres de la Zelandonia commencer à élaborer diverses approches. Elle entendit ainsi le Zelandoni de la Onzième dire :

— La bonne démarche consisterait peut-être à reproduire l’expérience d’Ayla…

— Nous n’aurions même pas à reprendre l’ensemble de l’expérience, il suffirait d’en transmettre l’esprit, avança celui de la Vingt-Sixième.

— Si nous disposions d’une caverne assez vaste pour contenir tout le monde, cela nous aiderait bien, intervint la Zelandoni de la Deuxième Caverne.

— Nous pourrions laisser l’obscurité de la nuit jouer le rôle des parois d’une grotte, proposa celui de la Cinquième. Avec juste un grand feu au milieu, cela aiderait à concentrer l’attention de tous.

Bien, se dit la Première, écoutant les doniates échanger leurs propositions. Ils se mettent à réfléchir à la meilleure façon d’organiser la cérémonie plutôt qu’aux objections que celle-ci pourrait soulever.

— Il faudrait que nous ayons des tambours pour le Chant de la Mère.

— Et des chanteurs.

— La nouvelle Zelandoni ne chante pas.

— Sa voix est si remarquable que cela n’a pas d’importance.

— On pourrait avoir des voix en arrière-plan. Sans les mots, juste le son.

— Si on ralentit la cadence des tambours, le Chant de la Mère aura un impact encore plus grand, en particulier à la fin, quand elle récitera la dernière strophe.

Ayla semblait embarrassée par l’attention qu’on lui manifestait, et par les suggestions qui s’échangeaient sur le rôle qu’elle devait jouer, mais au bout d’un moment elle aussi commença à se mêler de la discussion sur l’organisation de la cérémonie :

— Danug et Druwez, les deux jeunes visiteurs mamutoï, savent jouer du tambour de façon à donner l’impression qu’il s’agit de voix humaines. C’est troublant, et très mystérieux.

— J’aimerais bien les entendre d’abord, dit la Zelandoni de la Quatorzième.

— Bien sûr, approuva Ayla.

Sans en avoir conscience, la jeune femme se montrait extraordinairement perspicace lorsqu’il s’agissait de la psychologie de ses semblables. La tactique de la Zelandoni Qui Était la Première consistant à pousser la Zelandonia à organiser la cérémonie ne lui avait pas échappé. À des degrés divers, parfois sur un plan subliminal, parfois sur un autre parfaitement conscient, elle avait admiré la façon dont la doniate avait conduit son affaire, amenant les autres à se plier à sa volonté. La Première s’empressait de pousser son avantage, sachant à quel moment fulminer, à quel autre menacer, quand cajoler, câliner, critiquer, louer, alors même que les membres de la Zelandonia n’étaient pas du genre à se laisser mener par le bout du nez. En tant que membres d’un groupe, ils étaient malins, rusés, souvent cyniques et, dans l’ensemble, plus intelligents que la moyenne. Ayla se rappela avoir entendu Jondalar demander à Zelandoni ce qui avait fait d’elle une Première. Et celle-ci avait su très précisément ce qu’il fallait dire, et ce qu’il avait été préférable de garder pour elle.

La Première se détendit. Désormais, ils étaient lancés. La discussion prendrait d’elle-même de l’ampleur. La plupart du temps, son problème était de les empêcher de se laisser entraîner trop loin. Cette fois, elle allait leur permettre de se défouler autant qu’ils le désiraient. Plus la cérémonie serait spectaculaire, mieux ce serait. Si je les laisse préparer quelque chose d’assez important, d’assez recherché, ils n’auront pas le temps de penser à autre chose jusqu’à ce que la cérémonie soit terminée.

Lorsque celle-ci eut commencé à prendre forme, en tout cas dans ses grandes lignes, et que la plupart des membres de la Zelandonia eurent manifesté leur désir de s’investir dans l’événement, Zelandoni Qui Était la Première décida de lancer la deuxième grande surprise qu’elle leur avait préparée.

Se levant pour aller chercher encore un peu de tisane, elle déclara, comme s’il s’agissait d’un commentaire anodin, n’ayant rien à voir avec ce qui précédait :

— J’imagine que nous devrons également envisager d’organiser une rencontre du Camp le lendemain de la cérémonie afin de répondre aux questions qui ne manqueront pas d’être posées. Autant ne pas perdre de temps pour régler le problème. Nous profiterons de l’instant pour donner le nom qui désignera la relation entre un homme et ses enfants, et pour leur annoncer que, désormais, ce sont les hommes qui donneront leur nom aux garçons.

La consternation s’abattit aussitôt sur la Zelandonia. La plupart de ses membres n’avaient guère eu le temps de songer aux changements qu’allait entraîner la nouvelle révélation.

— Mais ce sont toujours les mères qui ont donné leur nom à leurs enfants ! protesta l’un d’eux.

Zelandoni surprit plusieurs échanges de coups d’œil acérés. C’était bien ce qu’elle redoutait : que certains se mettent à penser. Il n’était pas prudent de sous-estimer la Zelandonia en tant que groupe.

— Comment les hommes vont-ils se rendre compte qu’ils sont essentiels si nous ne les laissons pas jouer le moindre rôle ? interrogea la Première. En réalité, cela ne changera rien. L’accouplement sera toujours un Plaisir. Les hommes ne vont pas se mettre à accoucher, et ils auront toujours besoin de subvenir aux besoins de leurs femmes et de leurs enfants, en particulier lorsque celles-ci seront confinées dans leur foyer avec des bébés. Donner son nom à un enfant mâle n’est qu’une petite chose, les femmes donneront toujours leur nom aux filles, tenta de plaider la Première.

— Dans le Clan, c’étaient les Mog-ur qui donnaient leurs noms à tous les enfants, intervint Ayla.

Les bavardages cessèrent et toute l’assistance se tourna vers elle.

— J’ai eu le grand plaisir de pouvoir donner son nom à ma fille. J’étais très nerveuse, mais c’était tout à fait excitant, et ça m’a donné l’impression d’être très importante.

— Je pense que les hommes ressentiraient la même chose, appuya la Première, ravie du soutien imprévu d’Ayla.

Il y eut des hochements de tête et des grognements d’approbation dans l’assistance. Personne n’éleva plus d’autre objection, du moins sur le coup.

— Et le nom de cette relation ? As-tu déjà trouvé quelque chose ? s’enquit d’une voix teintée de soupçon la Zelandoni de la Vingt-Neuvième Caverne.

— J’avais l’intention de méditer pour voir si je pouvais trouver un nom approprié permettant aux enfants d’appeler les hommes qui ont joué un rôle pour leur donner la vie, afin de les distinguer des autres. Nous devrions peut-être tous nous laisser le temps d’y réfléchir, répondit Celle Qui Était la Première.

Elle sentait qu’elle devait profiter du fait que la Zelandonia tout entière était encore sous le choc, donc en infériorité par rapport à elle, pour la pousser dans ses retranchements avant que ses membres ne se mettent à penser aux éventuelles conséquences, puis à émettre de véritables objections qu’elle ne pourrait plus contrer avec ses seuls éclats de voix. Elle ne doutait pas une seconde que ce nouveau Don de Connaissance de la Vie aurait des répercussions plus profondes encore qu’elle ne pouvait l’imaginer. Cela allait tout changer, et elle n’était pas certaine elle-même d’apprécier certains des développements très concrets que cela allait entraîner.

La Zelandoni Qui Était la Première était une femme intelligente, au sens de l’observation finement développé. Elle n’avait jamais eu d’enfant, mais dans son cas ce n’était pas un désavantage : elle n’avait jamais eu à connaître les distractions inhérentes au statut de mère. Elle avait en revanche joué les sages-femmes dans un nombre incalculable d’accouchements, et avait aidé beaucoup de femmes victimes de fausses couches. En conséquence, la Première avait une connaissance plus profonde que bien des mères des différents stades de développement des fœtus humains.

Les doniates contribuaient également à aider certaines femmes à mettre un terme à leur grossesse avant la fin de la gestation. La période la plus délicate dans la vie des enfants en bas âge était celle des deux premières années. Beaucoup de bébés mouraient pendant ce laps de temps. Même avec l’aide de leur compagnon, de leurs parents ou d’autres membres de la famille élargie, la plupart des mères étaient dans l’incapacité de nourrir trop de jeunes enfants en même temps, et de s’occuper d’eux si elles voulaient que certains survivent.

Bien que le fait de nourrir son enfant semblât en soi avoir un effet dissuasif pour en concevoir un autre, il était parfois nécessaire de mettre un terme à une grossesse inattendue pour permettre aux enfants en bas âge de dépasser le stade des deux premières années. Même chose si la femme était atteinte d’une maladie grave, avait des enfants déjà grands et était trop vieille, avait connu par le passé un ou plusieurs accouchements difficiles lui ayant fait frôler la mort, toutes circonstances où une grossesse supplémentaire risquait de priver de leur mère les enfants survivants. Le taux de mortalité des enfants eût été sensiblement plus élevé si de tels contrôles sélectifs n’avaient pas été mis en pratique. Il y avait par ailleurs toutes sortes d’autres raisons qui pouvaient conduire une femme à souhaiter mettre un terme à sa grossesse.

Si par ailleurs l’origine de la grossesse n’était pas évidente par nature, les femmes savaient assez rapidement qu’elles étaient enceintes. À une époque précédente, plus ou moins lointaine, une femme, ou un groupe de femmes, avait découvert comment reconnaître les signes montrant que l’on portait un enfant, avant que cela ne devienne évident. Peut-être avait-elle remarqué qu’elle n’avait pas saigné depuis un certain temps et avait-elle appris qu’il s’agissait là d’un signe ; autre possibilité : si elle avait déjà été enceinte, elle avait pu reconnaître certains symptômes. Ce savoir s’était transmis jusqu’à ce que les femmes dans leur ensemble l’apprennent dans le cadre de leur initiation à l’âge adulte.

Au départ, quand une femme se rendait compte qu’elle portait un enfant, elle avait pu réfléchir et se demander ce qui en était à l’origine. Peut-être un aliment qu’elle avait consommé ? Un lieu particulier dans lequel elle s’était baignée ? Un homme donné avec qui elle avait eu des relations ? Une certaine rivière qu’elle avait traversée ? Un arbre singulier à l’ombre duquel elle avait fait un somme ?

Si une femme souhaitait avoir un bébé, elle avait peut-être essayé de réitérer tout ou partie de ces activités, les transformant éventuellement en rituel. Pour comprendre en fin de compte qu’elle pouvait les recommencer un certain nombre de fois sans pour autant nécessairement tomber enceinte. Elle s’était peut-être alors demandé si la clé n’était pas une combinaison d’actions, ou encore l’ordre dans lequel elles étaient exécutées, le moment de la journée, du cycle, de la saison, de l’année. Voire simplement un vif désir d’enfant, ou les souhaits concertés d’un certain nombre de gens. À moins qu’il ne s’agisse d’agents inconnus : émanations de rocs, d’esprits d’un autre monde, ou de la Grande Mère, la Mère primordiale.

Si elle vivait au sein d’une société qui avait élaboré une série d’explications d’apparence raisonnable, ou même déraisonnable mais semblant répondre à des questions inaccessibles à ses propres observations, elle aurait fort bien pu les accepter pour peu que toutes les autres femmes en fassent autant.

D’un autre côté, l’une d’elles avait très bien pu avoir un sens de l’observation suffisamment développé pour établir des connexions et tirer des conclusions proches de la réalité. Grâce à un singulier concours de circonstances, Ayla avait été en mesure de tirer de telles conclusions, même si, pour cela, elle avait été obligée de surmonter son vif désir de se conformer aux croyances des autres.

Avant même d’en discuter avec Ayla, la Première avait également commencé à subodorer l’origine réelle de la conception. La conviction d’Ayla, et son explication, était la dernière bribe d’information dont elle avait besoin pour se persuader, et elle avait depuis quelque temps déjà la ferme conviction que tout le monde, les femmes en particulier, devait savoir comment commençait une nouvelle vie.

La Connaissance était le pouvoir. Si une femme apprenait ce qui amenait un bébé à croître dans son ventre, elle serait en mesure de prendre le contrôle de sa propre existence. Au lieu de se retrouver tout bonnement enceinte, qu’elle désire ou non avoir un bébé, que la période pour en avoir un soit bonne ou pas, que sa santé le lui permette ou non, ou encore qu’elle ait déjà assez d’enfants ou non, elle aurait désormais le choix. Si c’étaient bien les relations avec un homme, et non quelque chose d’extérieur sur quoi elle n’avait pas prise, qui entraînaient une grossesse, d’une façon qui restait à définir, elle pourrait décider de ne pas avoir de bébé d’une manière très simple : tout bonnement en décidant de ne pas partager les Plaisirs avec un homme. Cela ne voudrait bien sûr pas dire que la femme pourrait faire ce choix sans la moindre difficulté, et Zelandoni était loin d’être certaine de la façon dont les hommes pourraient réagir.

Même s’il y aurait à coup sûr des répercussions d’une importance encore indéterminée, une autre raison la poussait à souhaiter que les Zelandonii apprennent que les enfants étaient le résultat d’unions entre les hommes et les femmes. Et une raison essentielle : parce que c’était la réalité. Les hommes devaient en prendre connaissance, eux aussi. Il y avait trop longtemps qu’ils étaient considérés comme accessoires dans le processus de la procréation. Le fait pour eux d’apprendre qu’ils étaient essentiels dans la création de la vie ne serait que justice.

Et la Première avait la certitude que les gens y étaient tout à fait prêts. Ayla avait déjà fait part à Jondalar de sa conviction, et la lui avait fait presque partager. Plus encore : il avait envie d’y croire. Le moment était bien choisi. Si Zelandoni elle-même l’avait soupçonné, si Ayla avait été capable de le découvrir, d’autres aussi étaient en mesure de le faire. La Première espérait que les conséquences de cette révélation ne seraient pas trop dévastatrices, mais si la Zelandonia ne la faisait pas à son peuple maintenant, elle viendrait à coup sûr avant longtemps de quelqu’un d’autre.

Dès qu’elle avait entendu Ayla réciter la nouvelle strophe finale du Chant de la Mère, Zelandoni avait compris que la vérité devait être révélée sur-le-champ. Mais pour que celle-ci soit acceptée, elle ne devait pas être divulguée en passant, ou par bribes, mais avec un maximum d’impact. Celle Qui Était la Première était suffisamment intelligente pour comprendre que l’essentiel de ce qui arrivait aux acolytes dans le cadre de leur appel à servir la Mère n’était guère plus que le produit de leur propre imagination. Certains membres de la Zelandonia parmi les plus âgés étaient devenus d’un cynisme absolu à cet égard, mais il n’en demeurait pas moins qu’il existait toujours des événements inexplicables provoqués par des forces invisibles ou inconnues.

C’étaient ces événements qui révélaient une véritable vocation, et lorsque Ayla lui avait parlé de son expérience dans la grotte, la Première avait eu le sentiment d’avoir affaire à la plus incontestable des vocations. Cette dernière strophe du Chant de la Mère en particulier… Même si le don d’Ayla pour les langues et sa capacité à mémoriser étaient phénoménaux, même si elle était devenue une conteuse d’histoires, une rapporteuse de légendes d’une grande habileté et d’un talent évident, elle n’avait jamais jusqu’alors fait montre d’une quelconque capacité à composer des vers ; or elle avait bien dit que ceux-ci avaient empli sa tête, et qu’elle avait entendu cette strophe dans son entier. Si elle était capable d’expliquer au peuple ce qu’elle avait vécu avec la même force de conviction, elle se montrerait à coup sûr extrêmement persuasive.

Lorsqu’elle eut le sentiment que tout était mis en branle et ne pourrait désormais être arrêté, la Première annonça d’une voix forte :

— Il se fait tard. Cette réunion a été longue. Je crois que nous devrions nous séparer maintenant et nous retrouver demain matin.

 

 

— J’avais promis à Jonayla de monter avec elle aujourd’hui, expliqua Ayla, mais la réunion a duré plus longtemps que prévu.

Je m’en serais doutée, se dit Proleva en voyant les marques noires sur le front d’Ayla, mais elle se garda bien de le dire.

— Jondalar l’a entendue me parler de cette sortie à cheval avec toi ; elle se demandait où tu étais et ce qui te retenait si longtemps. Dalanar a essayé de lui expliquer que tu participais à une réunion très importante, que personne ne savait combien de temps elle durerait, après quoi Jondalar lui a proposé de partir avec lui.

— J’en suis ravie, dit Ayla. Je n’aime pas la décevoir. Cela fait longtemps qu’ils sont partis ?

— Depuis le début de l’après-midi. Je suppose qu’ils ne vont plus tarder, répondit Proleva. Dalanar m’a demandé de te rappeler que les Lanzadonii t’attendaient ce soir.

— Ah oui, c’est vrai ! J’ai été invitée alors que je me rendais à la réunion. Je crois que je vais aller me changer, et me reposer un peu. J’ai du mal à croire qu’assister simplement à une réunion puisse être si épuisant. Pourras-tu m’envoyer Jonayla dès qu’elle sera de retour ?

— Bien sûr, promit Proleva, se disant à part elle que la réunion en question avait certainement été beaucoup plus que cela. Veux-tu manger quelque chose ? Ou prendre une tisane ?

— Volontiers, Proleva, mais d’abord je voudrais aller me laver un peu. J’adorerais aller me baigner… Mais je crois que j’attendrai un peu pour ça. Non, d’abord je vais aller voir Whinney.

— Ils l’ont prise avec eux. Jondalar a dit qu’elle voudrait sûrement partir avec les autres chevaux, et que cela ne lui ferait pas de mal de courir un peu.

— Il a eu raison. À Whinney aussi, ses enfants manquent sans doute.

Proleva suivit du regard Ayla qui se dirigeait vers la tente à dormir.

Elle a l’air vraiment fatiguée, songea-t-elle. Ce qui n’a rien de surprenant quand on pense à ce qu’elle a subi : perdre son bébé et maintenant devenir notre nouvelle Zelandoni… sans oublier son appel, quoi que cela puisse être.

Comme tous les Zelandonii, Proleva avait été témoin des conséquences d’une approche excessive du Monde des Esprits. Chaque fois que quelqu’un était sérieusement blessé, par exemple, ou, plus effrayant, était victime d’une maladie aussi grave qu’inexplicable, elle savait qu’il n’était pas loin du Monde d’Après. L’idée qu’une personne pût volontairement entrer en contact avec ce monde de façon à pouvoir servir la Mère allait largement au-delà de sa compréhension. Elle sentit un frisson l’agiter. La certitude qu’elle ne connaîtrait jamais une expérience aussi éprouvante la comblait de bonheur. Même si elle savait avec autant de certitude que chacun un jour serait contraint de s’installer dans cet endroit redoutable, elle n’avait pas le moindre désir de rejoindre les rangs de la Zelandonia.

En plus, Ayla et Jondalar ont des problèmes, se dit-elle. Il l’évite volontairement. Je l’ai vu prendre une autre direction chaque fois qu’il l’apercevait. Je suis à peu près sûre de savoir de quoi il s’agit. Il se sent honteux. Elle l’a surpris avec Marona, et maintenant il évite de l’affronter. Ce n’est pas le bon moment pour qu’il l’évite. Ayla a besoin de l’aide de tout le monde en ce moment, et de la sienne en particulier.

S’il ne voulait pas qu’elle soit au courant, pour lui et Marona, il n’aurait jamais dû renouer avec celle-ci, même si elle l’y a encouragé autant qu’elle le pouvait. Il savait très bien comment Ayla réagirait. Il aurait très bien pu en trouver une autre, si tant est qu’il en ait eu besoin. Comme s’il n’avait pas l’embarras du choix concernant les femmes, dans le campement. Et cela aurait été bien fait pour Marona : elle se conduisait de façon si prévisible qu’on aurait pu croire que même lui l’aurait percée à jour.

Même si Proleva l’aimait beaucoup, il y avait des moments où elle trouvait le frère cadet de son compagnon exaspérant.

 

 

— Mère ! Mère ! Tu es revenue, enfin ? Proleva m’a dit que je te trouverais là. Tu m’avais promis de m’emmener faire du cheval aujourd’hui et je t’ai attendue, attendue, protesta Jonayla.

Le loup, qui avait fait irruption dans la tente avec elle, était tout aussi excité que la fillette et essayait d’attirer l’attention d’Ayla.

Celle-ci serra très fort sa fille contre elle puis saisit la tête du gros carnassier et commença à frotter son visage contre elle. Mais ses scarifications lui faisant encore mal, elle se contenta de l’étreindre. L’animal flaira ses blessures mais elle le repoussa. Sans s’en offusquer, il alla vers son écuelle de nourriture, trouva un os que Proleva y avait laissé à son intention et l’emmena dans son coin de repos.

— Je suis désolée, Jonayla, s’excusa Ayla. Je ne savais pas que la réunion avec la Zelandonia durerait si longtemps. Je te promets de t’emmener un autre jour mais ce ne sera sans doute pas demain.

— Ne t’inquiète pas, mère. Je sais que ces choses avec les Zelandonia prennent du temps. Ils ont passé un jour entier à nous apprendre des chants, des danses, à nous montrer où nous placer, quels pas faire. Et puis de toute façon j’ai monté aujourd’hui. Jondi m’a emmenée.

— C’est ce que m’a dit Proleva. Je suis contente qu’il l’ait fait. Je sais à quel point tu avais envie d’aller à cheval, dit Ayla.

— Est-ce que ça fait mal, mère ? demanda la fillette en montrant du doigt le front d’Ayla.

— Non, en tout cas plus maintenant. Cela m’a fait un peu mal au début, mais pas trop. Ces marques ont une signification particulière…

— Je sais ce qu’elles veulent dire, interrompit Jonayla. Ça veut dire que tu es Zelandoni, maintenant.

— C’est exact, Jonayla.

— Jondi m’a dit que quand tu aurais ces marques de Zelandoni tu ne serais plus obligée de partir aussi souvent. C’est bien vrai, mère ?

Ayla ne s’était pas rendu compte à quel point elle avait manqué à sa fille, et elle éprouva une bouffée de gratitude envers Jondalar qui avait été là pour s’occuper d’elle et lui expliquer les choses. Elle tendit les bras pour serrer de nouveau Jonayla contre elle.

— Oui, c’est vrai. Je serai encore obligée de m’absenter parfois, mais moins qu’avant.

Peut-être avait-elle également manqué à Jondalar, à la réflexion, mais quel besoin avait-il eu de se rabattre sur Marona ? Il avait juré qu’il l’aimait, même après qu’elle les eut trouvés en pleine action, mais si tel était le cas, pourquoi continuait-il de l’éviter ?

— Pourquoi pleures-tu, mère ? demanda la fillette. Tu es sûre que ces marques ne te font plus mal ? Elles ont l’air enflammées.

— C’est juste que je suis contente de te voir, Jonayla.

Elle relâcha la fillette et lui sourit à travers ses larmes.

— J’allais oublier de te dire : nous allons rendre visite au campement des Lanzadonii et dîner avec eux ce soir.

— Avec Dalanar et Bokovan ?

— Oui, et aussi avec Echozar, Joplaya, Jerika. Tout le monde.

— Et Jondi viendra, lui aussi ?

— Je ne sais pas, mais je pense que non. Il a dû partir.

Ayla se détourna brusquement et, apercevant le panier à vêtements de sa fille, commença à fouiller dedans. Elle ne voulait pas que sa fille la voie se remettre à pleurer.

— Il va faire un peu froid quand la nuit va tomber : veux-tu prendre quelque chose de chaud pour te changer ?

— Je pourrai mettre la nouvelle tunique que Folara a faite pour moi ?

— Très bonne idée, Jonayla, très bonne idée.

Le Pays Des Grottes Sacrées
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